Qu'est-ce que ce couvre-chef en laine feutrée autrefois porté dans la plupart des pays du monde musulman ? Chechia, fez ou tarbouch, son nom, sa forme et sa couleur varient selon les pays.
Fez ou tarbouchs en haut,
chéchias en bas © Chwaya
Origines et différences entre le chéchia, le fez et le tarbouch
Son origine est incertaine. Certains affirment qu’il proviendrait de Kairouan en Tunisie, d’autres de la ville de Shesh (actuelle Tachkent) en Ouzbékistan et d’autres d’Andalousie. Le fez turc, quant à lui, viendrait de Grèce. Mais n’y a-t-il pas une origine commune ?
En Tunisie, le couvre-chef devenu symbole national est la chéchia. Elle est rouge vermillon, simple et basse, plus petite que le fez turc ou le tarbouch syrien et libanais qui monte et qui est orné d’un gland noir. La chéchia existe également dans d'autres pays comme en Libye où elle est teinte en noir.
Aujourd’hui, ce couvre-chef est en voie de disparition. Après son interdiction par Ataturk en Turquie, son abandon par Nasser en Egypte, et la mondialisation qui fait que les générations actuelles ne s’habillent plus de façon traditionnelle, il n’est quasiment plus porté au quotidien. Quelques personnes âgées portent encore la chéchia, mais cela se fait de plus en plus rare.
Les chaouachis de Tunis : derniers fabricants
Il n’existe donc quasiment plus de fabricants de chéchias artisanales dans le monde musulman, hormis à Tunis où une poignée d’irrésistibles fabricants perdurent. On les appelle les chaouachis, profession exercée par des notables de la médina de Tunis dans le souk des chéchias (souk el chaouachine).
Photographie du souk des chéchias de Tunis au début XXe siècle.
Ce métier fut florissant pendant des siècles et les chaouachis appartenaient à la catégorie sociale élevée de Tunis. En 1947, la ville de Tunis comptait 480 chaouachis. Aujourd'hui, seule une poignée de fabricants perdurent. Ils exportent 90% de leur production dans l’ensemble du monde musulman et notamment vers la Libye, les pays africains et la Turquie.
Si la demande a fortement baissé, le métier de chaouachi n’a pas changé et requière toujours les mêmes exigences. Il s’agit d’une profession très organisée et encadrée par la loi. Pour devenir maître chaouachi, il est impératif d'avoir été apprenti pendant des années puis d'avoir l'agrément de son maître ainsi que le certificat du chef du souk el chaouachine. C'est un métier qui demande beaucoup de savoir-faire et des années d'expérience.
Atelier d'un chaouachi de la médina de Tunis - © Chwaya
Les étapes de fabrication
Pour arriver à son état final, la chechia parcourt un long circuit. Tout d'abord, des femmes du sud de la Tunisie tricotent chez elles de très grands bonnets de laine blanche à larges mailles. Les bonnets sont ensuite passés de maison en maison : certaines femmes sont spécialisées dans les trous, d’autres dans les nœuds et d’autres dans la broderie de la « marque » du chaouachi. Le chaouachi assemble ensuite les bonnets deux par deux, l’un dans l’autre et les lie entre eux, puis les envoie à l’usine d’Al Battan à 30 km de Tunis. Il n’existe qu’une seule usine pour l’ensemble des chaouachis. Si celle-ci venait à fermer, cela signifierait la disparition du couvre-chef traditionnel. Dans cette usine, les larges bonnets de laine blanche sont trempés et frappés par des masses dans de grandes cuves d’eau chaude savonneuse. Cette étape fait rétrécir les bonnets et disparaître les mailles.
Les bonnets sont ensuite envoyés secs et durs au chaouachi qui s'occupe du cardage qui leur donnera un aspect feutré. Vient ensuite l’étape de la teinture, puis de la mise en forme autour de cylindres d'argile dont la taille varie en fonction de si l’on souhaite réaliser une chéchia ou un fez/tarbouch. La couleur varie également. Les chéchias en destination de la Libye et des pays africains sont teintes en noir.
A droite, les chéchias à l'état initial : grands bonnets tricotés en laine blanche. A gauche, les cylindres d'argile servant à mouler la chéchia - © Chwaya
Aujourd’hui, la chéchia est un produit artisanal très demandé par la clientèle touristique en Tunisie. Cependant, de fausses chéchias industrielles à moindre prix qualifiées de « moquettes » par les chaouachis, envahissent le marché. A ce rythme, combien de temps le métier de chaouachi pourra-t-il encore perdurer ?
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Commentaires
Dalmas
Par :Dalmas Sur 24/02/2020Bonjour
Il y a une quinzaine d’années, j’étais modiste a paris et j’ai réalisé un projet avec un atelier de chéchias du souk de Tunis.
J’aimerais beaucoup reprendre contact avec eux mais je ne trouve plus les coordonnées.
Savez vous où je pourrais trouver les adresses des vingt ateliers de chéchias existant encore ?
Merci !
Cordialement
Marie-Clémence
ragnar
Par :Ragnar Sur 31/08/2019L'artisanat local doit survivre , il faut soutenir cette économie
zia
Par :Zia Sur 13/10/2018Très bon article bonne d’hab
Merci pour vos articles.
natasha r
Par :Natasha r Sur 11/09/2017C'est toujours la même chose : avec l'arrivée du tourisme on ne retrouve que des produits contrefaits... Quel dommage quand on voit la beauté des originaux !
Eric
Par :Eric Sur 20/12/2016"A ce rythme, combien de temps le métier de chaouachi pourra-t-il encore perdurer ?"
Voilà une question qui remet en question l'artisanat local et toutes les choses merveilleuses que cela peut apporter !
Dany
Par :Dany Sur 28/10/2016Collectionneur de Fez depuis 9 ans, je suis vraiment attaché à cet artisanat local qui met en valeur de vieilles traditions.
Noe
Par :Noe Sur 29/11/2015Bonjour;
Soutenir l'artisanat local en important ce type de produits fait mains en France est vraiment une très bonne chose.
Ces tapis et autres produits sont vraiment magnifiques en plus !
Je fais de même pour des produits de l'artisanat islandais, qui sont totalement différents car liés à un pays froid, donc des pull, ou des bonnets au lieu des chéchias, fez et tarbouchs!
Bonne continuation à vous!
Pas de Tapis ni de
Soph
Par :Soph Sur 08/10/2015Merci pour l’article. Il faudrait que les jeunes relancent cette mode. C’est très beau un jeune homme en chéchia.